Entretien El Moudjahid Nation : M. Samir BOUACHA (ambassadeur officiel de l’OMEI en Algérie) «Adopter des moyens d’irrigation efficaces et rentables»

Expert international en agriculture, également ambassadeur de l’Ordre mondial des experts internationaux (OMEI), M. Bouacha Abdelghani Samir, dans cet entretien accordé à El Moudjahid, met en avant les réalisations des pouvoirs publics dans le domaine de l’Agriculture, pour pallier tout besoin causé par une éventuelle sécheresse, et propose d’autres mécanismes pour éviter le gaspillage de la ressource hydrique.

Entretien réalisé par  Soraya Guemmouri

El Moudjahid : Quel sera l’impact du manque de pluviosité sur l’agriculture ?
M. Bouacha : même si on n’est pas dans une situation d’abondance de pluies, on ne peut pas dire, aujourd’hui, qu’on vit une sécheresse persistante. La situation peut être qualifiée de normale. Mieux, on espère que les pluies du printemps puissent combler le déficit hydrique. On va donc attendre les pluies attendues de mars. Cela sera des pluies extrêmement bénéfiques d’autant que pour les céréales, nous sommes toujours dans les délais. La saison agricole sera sauvée avec l’avènement des pluies du printemps. Cela étant, il est nécessaire de s’appuyer sur les irrigations d’appoint, en amenant l’eau déficiente au niveau des plantes. Il faut comprendre ici qu’à partir de mars, la plante aura besoin de beaucoup d’eau pour la montaison de la plante mais aussi et surtout le gonflement de l’épi. C’est pourquoi, ce sont les dernières pluies du printemps qui sont le plus bénéfique pour la plante.

En cas d’un manque de pluviosité au printemps, quelles en seraient les répercussions ?
Il est utile de préciser que tout est relatif et que le coût et le prix final du produit agricole dépendent d’un grand nombre de paramètres. Lorsqu’on parle d’agriculture, on parle de maraîchages, de céréales et d’arboriculture. La sécheresse cyclique qui existe depuis quatre mois déjà, alors qu’on est en pleine saison de pluies, peut induire des lacunes au niveau de la production que ce soit dans le maraîchage ou dans les céréales. Il convient de souligner que les pouvoirs publics ont pris leurs responsabilités en dotant les agriculteurs de matériels hydrauliques pour les irrigations d’appoint. Il faut savoir que quand on arrive à un certain stade végétatif de la plante, en particulier en mars et avril, on ne doit pas attendre la pluie. Il faut irriguer pour sauver la saison. Et si par la suite, viennent les pluies, tant mieux. Concernant le maraîchage, le problème ne se pose pas puisque nos fellahs son dotés de moyens d’irrigation, tels que le goutte à goutte. Il est donc, à retenir, que dans la partie nord du pays, où on pratique le maraîchage, les choses ont été prises en mains déjà. Même dans certaines wilayas du Sud, comme Biskra, El Oued et Adrar, où l’eau existe en quantités suffisantes, on fait ce qu’on appelle le maraîchage en irrigué. Le problème d’irrigation ne se pose pas également dans ce cas. Le seul problème que nous avons concerne les céréales. Pour solutionner cette question, il est important et urgent d’adopter une politique pour pallier aux déficits pluviométriques.

Quelles seraient les mécanismes à mettre en place ?
Il y a certaines régions du Nord qu’il faudra doter dès maintenant de moyen d’irrigation, à savoir des pivots, des asperseurs, du goutte à goutte, y compris dans les pratiques céréalières. Il ne faut pas perdre de vue que le déficit est beaucoup plus chronique dans la partie Ouest. Les plaines de l’Ouest sont en effet des plaines très riches qui connaissant un déficit en pluviométrie, d’où les rendements vraiment aléatoires. Ces régions doivent être alimentées dans les parties où on dispose de nappes phréatiques. Il existe des périmètres que nous avons identifiés dans les années 80 et 90 qui peuvent pallier au déficit tant en matière de pluviométrie qu’en matière de rendement de la production.
S’agissant du Sud, elles sont déjà dotées mais il faudrait peut-être davantage d’organisation. A vrai dire, il faut qu’il y ait des professionnels pour gérer ces périmètres, sachant qu’aujourd’hui, on gaspille énormément d’eau avec les pivots, au moment où il y d’autres moyens d’irrigation qui sont tout à la fois plus efficaces et plus rentables, économiquement parlant.

Que proposez-vous pour ces cas précis ?
Lorsque je dis des moyens d’irrigation plus efficaces et plus rentables, je pense au goutte à goutte enterré. Au Sud, ce moyen est le plus recommandé. Les terres sahariennes, qui sont pratiquement des sols squelettiques et amendés par la matière minérale, notamment les engrais, ne donnent plus le rendement escompté après 2 ou 3 ans. Cela est dû beaucoup plus à la qualité des sols, à l’itinéraire technique et au travail du sol, parce qu’il faut faire des assolements. Comme il y a de l’espace, on ne fait que déplacer sur une autre parcelle, et en attendant, on assiste à une dégradation de nos sols. L’irrigation enterré dure jusqu’à vingt ans et cela peut s’appliquer pour tous les produits. L’avantage c’est qu’avec l’irrigation enterré, on met nos installations sur la parcelle et dès qu’on termine, par exemple, le blé, on peut de suite passer au maïs ou à une autre culture. Il est vrai toutefois, que pour un meilleur rendement à l’échelle nationale, il est préconisé d’organiser nos cultures, de savoir quoi produire et en quelles quantités et pour cela une faudrait un cahier des charges. L’organisation souhaitée se fait en prenant en compte plusieurs paramètres, notamment, la qualité des sols. Chaque sol a ses caractéristiques techniques. En somme, pour une meilleure rentabilité, quelle que soit le taux de pluviométrie, il faut faire appel à la contribution des experts.

Il y va de la sécurité alimentaire ?
Cet objectif nécessite la contribution de spécialistes, d’agronomes mais aussi d’un certain nombre d’agriculteurs qui ont longue expérience. Ces derniers peuvent orienter les choix à établir dans l’identification culturelle. C’est à ces gens-là de se prononcer sur le choix des cultures, selon les différentes régions du pays. à Adrar, par exemple, on doit faire du blé dur, de l’orge, du mais, du sorgo, des cultures fourragères. Dans cette wilaya, on ne doit pas faire de la pomme de terre, par ce qu’elle consomme beaucoup d’eau et énormément d’engrais. Il faudrait donc qu’il y ait une vision sur cinq ans et en s’appuyant surtout sur la mécanisation qui apporte moult avantages.

Qu’en est-il des prix, dans le contexte de rareté de pluies ?
Ce n’est pas uniquement la sécheresse qui est la cause de la rareté des produits et de l’augmentation de prix. C’est un ensemble de paramètres. Le quintal d’engrais est passé de 4.500 à 15.000 DA. Si l’on prend l’exemple des semences maraîchères, il faut savoir que 95% des semences sont importés et les prix sur le marché international ont carrément flambé. En fait, il y a plusieurs paramètres qui définissent le coût du produit et par la suite son prix. L’énergie, dont l’électricité, est aussi un facteur prépondérant. Il en est de même pour la main d’œuvre et la mécanisation. C’est à partir de tous ces éléments et d’autres qu’on peut estimer le prix de la production. Aussi, si on ne peut rien faire face à la hausse des prix sur le marché international, on peut, par contre, pallier aux répercussions du manque de pluviométrie.

Comment y arriver ?
Il faut des investissements. Il est important d’avoir davantage de retenues collinaires, de bassins d’accumulations d’eau. Tout comme il faut de l’irrigation d’appoint et un goutte à goutte pour le maraîchage et l’arboriculture etc. Il est impératif en outre d’associer et les agricultures et les experts agricoles. En prenant en compte et en mettant en œuvre tous ces paramètres, on pourra arriver dans des délais assez courts, à des prix beaucoup plus abordables et à une agriculture raisonnée.

S. G.

Source : El Moudjahid Nation 

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